Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

La mort de Robert Coover, figure des lettres américaines

L’écrivain américain Robert Coover, auteur du Bûcher de Times Square (Seuil, 1980), de La Femme de John (Seuil, 2001) et de Huck Finn & Tom Sawyer à la conquête de l’Ouest (Chambon, 2024) est mort, samedi 5 octobre, à Warwick (Royaume-Uni). Il était âgé de 92 ans.
Depuis la mort de William Gass, John Barth, Stanley Elkin et John Hawkes, un grand moment littéraire, encore illustré par Robert Coover et Thomas Pynchon, touchait à sa fin. La disparition de Coover semble consacrer celle d’un univers des lettres dominé par le souci esthétique, au profit d’une relevance (« pertinence ») plus sociale qu’artistique (même si demeurent d’impressionnantes exceptions telles que Joseph McElroy, 94 ans, ou Alexander Theroux, 85 ans).
Le récit domestique, « in the house and around the yard » (« comme chez soi »), a repris les rênes que tenait la fiction au sens le plus fort du terme (fingere, fictum : « donner forme ») ; un peu à la façon dont un certain roman français s’est largement distancié, comme soulagé, de Sarraute, Gracq et leurs congénères, dont le souvenir menaçait qu’on ne prît plus au sérieux les vitrines commerciales.
Le temps n’est plus où, avec d’autres, Coover participait à la naissance du Fiction Collective, association éditoriale autogérée fondée à Brooklyn en 1974 en réaction à « une littérature définie par un comité, des livres dont les maquettes étaient conçues comme des emballages de céréales, diffusés par des vendeurs de voitures d’occasion et gérée, policée le cas échéant, par des comptables ».
Né, le 4 février 1932, à Charles City, dans l’Iowa, Robert Lowell Coover quitte l’Etat dans lequel il est né pour devenir professeur de littérature à l’université Brown de Providence (Rhode Island), où enseignait également John Hawkes. Parallèlement à une carrière universitaire au cours de laquelle il travaille à mettre en place des programmes informatifs créatifs, il édifie une œuvre marquée par un souci aigu de la forme. Qu’il cisèle une minuscule scène – comme dans La Lentille sensible, une nouvelle du recueil Pricksongs & Descants (1969), paru en français sous le titre La Flûte de Pan (Gallimard, 1974) – ou qu’il consacre l’énorme volume du Bûcher de Times Square à un trauma de l’histoire américaine (l’affaire des époux Rosenberg, jugés coupables d’espionnage au profit de l’URSS et exécutés en 1953), il s’impose comme un tenant remarquable d’une littérature refusant toute facilité formelle.
Son épouse, Pilar, était espagnole, et il a toujours été un grand admirateur de Cervantès. Nourri de son esthétique, il lui rend hommage, en particulier dans les « six nouvelles exemplaires » de Pricksongs. Il avait écrit sa thèse sur Miguel Angel Asturias et tenait les réalistes magiques sud-américains pour membres de sa famille.
Il vous reste 43.42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish